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Depuis les secousses de la révolution sexuelle et anticoloniale du 
siècle passé, les hétéros patriarches sont embarqués dans un projet de 
contreréforme - auquel se joignent désormais les voix «féminines» qui 
désirent continuer à être «importunées-dérangées». Ce sera la guerre de 
mille ans - la plus longue des guerres, sachant qu’elle affecte les 
politiques de reproduction et les processus à travers lesquels un corps 
humain se constitue en tant que sujet souverain. De fait, ce sera la 
plus importante des guerres, parce que ce qui se joue n’est ni le 
territoire ni la ville mais le corps, le plaisir et la vie. 
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Le processus de dénonciation et de visibilisation de la violence que 
nous vivons fait partie d’une révolution sexuelle, qui est aussi 
imparable qu’elle est lente et sinueuse. Le féminisme queer a situé la 
transformation épistémologique comme condition de possibilité d’un 
changement social. Il s’agissait de remettre en question l’épistémologie
 binaire et la naturalisation des genres en affirmant qu’il existe une 
multiplicité irréductible de sexes, de genres et de sexualités. Nous 
comprenons aujourd’hui que la transformation libidinale est aussi 
importante que la transformation épistémologique : il faut modifier le 
désir. Il faut apprendre à désirer la liberté sexuelle.
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Ce qui est le plus urgent n’est pas de défendre ce que nous sommes 
(hommes ou femmes) mais de le rejeter, de se dés-identifier de la 
coertion politique qui nous force à désirer la norme et à la reproduire.
 Notre praxis politique est de désobéir aux normes de genre et de sexualité. 
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S’il est possible d’affirmer que dans la culture queer et trans nous 
baisons mieux et plus, c’est d’une part parce que nous avons extrait la 
sexualité du domaine de la reproduction, et surtout parce que nous nous 
sommes dégagés de la domination de genre. Je ne dis pas que la culture 
queer et transféministe échappe à toute forme de violence. Il n’y a pas 
de sexualité sans ombres. Mais il n’est pas nécessaire que l’ombre 
(l’inégalité et la violence) prédomine et détermine toute la sexualité.
Paul B. Preciado, Lettre d’un homme trans à l’ancien régime sexuel, 16/1/208.           

